Gérer Des solutions de financement en marge des prêts bancaires
Le prêt bancaire n’est pas l’unique moyen d’obtenir un financement. Petit tour d’horizon des autres options disponibles avec Alain Séhan, d’Icoopa.
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Lorsque le banquier refuse de financer à la hauteur de la demande, l’investisseur doit renoncer à son projet, le revoir, ou trouver un financement alternatif. Alain Séhan, d’Icoopa, a recensé cinq options possibles.
1. S’associer avec un apporteur de capital
Pas de prêt à rembourser.
Perte de liberté dans sa gestion.
Il s’agit, pour l’agriculteur exploitant, de s’associer avec quelqu’un qui est prêt à investir dans une exploitation. Dans ce cas, l’agriculteur perçoit une rémunération pour son travail chaque mois. L’apporteur de capital détient des parts sociales de l’entreprise. À la fin de l’exercice, le résultat social est partagé entre les différents associés. Il leur revient de fixer une clé de répartition.
Une société à responsabilité limitée permet de sécuriser la responsabilité des apporteurs. Souvent, dans ce genre de situation, la reprise de la totalité du capital par l’agriculteur est prévue à moyen terme. L’échéance est généralement fixée à la date à laquelle il commence à solder une première tranche de prêts.
Pour l’agriculteur, cette option présente l’avantage de pouvoir disposer du bien, sans avoir de prêt à rembourser. Mais, en contrepartie, il doit accepter le regard d’un tiers sur sa gestion et sur les résultats de l’exploitation. De son côté, l’apporteur de capital prend le risque de ne rien percevoir en cas de résultat négatif. Dans la réalité, l’apporteur de capital est souvent l’agriculteur qui cède son exploitation et donc, dans de nombreux cas, une personne de la famille du repreneur.
Mais en production hors sol, on voit aussi des groupements de producteurs qui apportent du capital aux éleveurs qui s’installent. Attention à la perte de liberté. Ce type de scénario n’existe pas encore en lait. Mais on voit bien qu’un éleveur qui accepterait un financement de sa laiterie n’aurait plus ensuite aucune possibilité d’en changer.
L’apporteur de capital peut aussi être un fonds d’investissement. Cela existe déjà dans le porc, en lien avec la Cooperl, première coopérative du secteur. Ces deux dernières options se développent en production hors sol en raison de l’énormité des capitaux nécessaires. Le lait est loin derrière, mais les exploitations grossissent rapidement. Les besoins en financement suivent.
Attention, si l’apporteur de capital est une personne morale, la seule société civile agricole possible est la SCEA, ce qui implique une responsabilité illimitée. Il est également possible d’opter pour une société de type commercial (SARL, SAS…).
Le conseil d’Icoopa : quel que soit l’apporteur de capital, il a des objectifs différents de ceux de l’éleveur. L’un veut rentabiliser son investissement quand l’autre veut obtenir une juste rémunération de son travail. Il faut bien analyser les besoins et les objectifs de chacun, et anticiper les événements futurs.
2. Chercher un financement participatif
Une forme intéressante pour les exploitations en vente directe.
Des montants potentiels limités.
Il s’agit d’inciter des particuliers à investir dans une exploitation. Chacun verse la somme qu’il souhaite. La motivation est plus souvent idéologique que financière. Les modalités de remboursement sont très variées et peuvent s’apparenter à du troc. Par exemple, quelqu’un investit dans une vache, et il reçoit un peu de beurre en retour. Ces particularités rendent le financement participatif peu adapté à l’agriculture conventionnelle. En revanche, ceux qui se lancent dans la vente directe, plus particulièrement en bio, peuvent y trouver un avantage. Plusieurs organismes, faciles à trouver sur internet, se sont spécialisés dans ce genre de démarche.
3. Diviser le bien et trouver un investisseur pour une partie
L’éleveur reste maître chez lui.
La fiscalité agricole fait du foncier un placement intéressant.
Il s’agit de faire un peu comme les commerçants : ils reprennent eux-mêmes le fonds de commerce, par exemple, mais les murs appartiennent à une SCI. Séparer les bâtiments du reste n’a pas d’intérêt en élevage. En revanche, on peut traiter le foncier à part. L’éleveur n’a pas forcément envie de le posséder. Mais il a besoin d’en disposer durablement. Le foncier est un placement sans risque qui intéresse des investisseurs, y compris le foncier agricole porteur d’un bail à long terme. La fiscalité favorise ce type d’investissement en réduisant les droits de succession et le montant de l’ISF. En pratique, un GFA est créé par un investisseur, éventuellement avec la participation de l’exploitant. Le GFA établit un bail à long terme et l’agriculteur paie le loyer. L’investisseur bénéficie de défiscalisation. L’agriculteur exploite le foncier sans avoir de comptes à rendre, et avec une sécurité dans le temps.
4. Recourir au crédit vendeur ou au prêt privé
L’acheteur reste maître chez lui et le vendeur évite les difficultés du bail rural.
L’acheteur s’endette pour longtemps.
Dans ce cas, le vendeur prête lui-même à l’acheteur l’argent qui lui manque pour acquérir son bien. Il accorde généralement un différé de paiement dans le but de ne pas asphyxier l’acheteur par un investissement trop lourd. Le cas classique est celui du foncier que le vendeur veut valoriser, mais que le repreneur ne souhaite pas forcément acquérir puisqu’un bail à long terme lui suffit pour exploiter.
Le vendeur propose alors un prêt avec remboursement du capital plusieurs années après la reprise. Il perçoit les intérêts durant cette période. Il ne s’agit donc pas d’une promesse de vente. Pour s’assurer que le capital sera réellement payé, il demande généralement de formaliser la transaction devant un notaire. Et le plus souvent, il réclame une hypothèque du bien. Il est donc ainsi assuré de vendre. De son côté, l’acheteur se retrouve avec une dette, mais il a du temps pour rembourser et il est libre de la gestion de son exploitation, à la différence du cas 1. De plus, si le vendeur s’engage de cette manière, l’acheteur peut être rassuré quant à la qualité du bien : il n’y a pas de mauvaise surprise à craindre. On peut aussi imaginer un prêt privé. Le schéma est identique, mais le prêteur n’est pas le vendeur. Là aussi, le formalisme est important. Il faut établir un contrat, comme avec une banque. Le prêteur peut demander des garanties (caution, hypothèque…). Le fisc doit être informé. C’est important, notamment pour qu’il sache qu’il ne s’agit pas d’un don entre tiers (imposé à 60 %).
Les prêts privés fonctionnent bien dans la sphère familiale. Quand des parents cèdent à l’un de leurs enfants, c’est un moyen de ne pas léser les autres en fixant un montant de reprise réaliste et en laissant au repreneur le temps de rembourser.
Le conseil d’Icoopa : ce type de financement est bien adapté dans le cadre d’une reprise familiale avec le double objectif de la viabilité économique du projet et de l’équité familiale.
5. Envisager le leasing
L’agriculteur dispose du bien sans mobiliser son capital, qui reste éventuellement disponible pour autre chose.
Le coût est souvent nettement supérieur à celui d’un achat financé par un prêt.
Dans ce cas, c’est une entreprise spécialisée dans l’activité de leasing qui achète le bien et qui le loue à l’agriculteur. Celui-ci conserve donc son capital et n’a pas besoin de trouver une caution. Cette formule est assez répandue pour l’acquisition de matériel (tracteur, robot de traite…). En général, l’achat par l’utilisateur est prévu à terme, à un prix faible fixé dans le contrat. Les loyers peuvent être modulables.
Le contrat impose souvent un entretien par le concessionnaire.
Certains agriculteurs, qui se voient refuser un financement traditionnel, se tournent vers cette option. Les organismes de leasing le savent.
Le conseil d’Icoopa : il faut comparer le montant du loyer au niveau d’une mensualité d’emprunt. Bien regarder aussi le prix initial et le prix de revente à la fin. Car le leasing est souvent plus cher que l’emprunt.
Pascale Le CannPour accéder à l'ensembles nos offres :